• Dalí fait le mur

    Au pied du Sacré-Cœur, l’Espace Dalí se mérite : pour le découvrir, vous devrez d’abord gravir de nombreuses marches mais cet effort sera récompensé. Ce lieu met tout particulièrement à l’honneur les sculptures et les gravures de l’artiste. De plus, jusqu’au 15 mars prochain, une exposition collective permet à vingt-deux artistes de street art de dialoguer avec les œuvres du maître du surréalisme. D’ordinaire provocateur, expressif et non-conventionnel, le street art se rapproche des créations de Dalí par leur anticonformisme. Cependant, nous pouvons nous interroger sur les enjeux de cette confrontation qui détourne les codes de l’art urbain aussi bien que les œuvres surréalistes.

     

    Dalí fait le mur

    Vue de l'exposition Dalí fait le mur avec au premier plan une sculpture de Salvador Dalí, Profil du temps, 1977-1984

    Une exposition originale où surréalisme et art urbain interagissent

    Cette exposition propose un mariage étonnant entre un grand nom de l’histoire de l’art et des artistes urbains. Les productions de street art confrontent celles de Dalí en proposant une réflexion sur le rapport entre l’univers surréaliste et l’art urbain à travers des thèmes, des supports et des matériaux variés. L’Espace Dalí expose une collection moins connue du grand public que les peintures du maître : surtout des gravures et des sculptures, qui permettent de comprendre l’étendue de son talent. Ainsi, les sculptures Éléphant spatial et Alice au Pays des Merveilles, entre autres, sont détournées et réinventées par les artistes urbains. Chacun apporte son point de vue et sa facture unique pour offrir un regard nouveau sur la production du grand maître catalan. Les symboles surréalistes sont ainsi réappropriés et remployés pour donner des réalisations tantôt étonnantes, tantôt amusantes et parfois déroutantes. Le commissaire de cette exposition n’est autre que Véronique Mesnager, spécialiste de l’art urbain contemporain mais aussi sœur du célèbre artiste Jérôme Mesnager, connu pour le Corps Blanc créé en 1983 et qui a produit pour cette exposition La charge des éléphants surréalistes.

     

    Dalí fait le mur

    Salvador Dalí, Éléphant spatial, 1980, fonte ultérieure

     

    Dalí fait le mur

    Speedy Graphito, Dans l'oeil de Dalí, acrylique sur toile, 2014

     

    Dalí fait le mur

    Jérôme Mesnager, La charge des éléphants surréalistes, acrylique sur toile, 2014

     

    Une scénographie qui met peu en valeur les œuvres de Dalí

    La scénographie de l’exposition, réalisée par Romaric Le Tiec Studio, est constituée d’une série d’anamorphoses. D’épaisses lignes blanches, qui semblent d’abord désordonnées, occupent l’espace muséal entièrement peint en noir ; puis, lorsqu’on se place sur les pas dessinés au sol, ces lignes se rejoignent pour former une ligne droite mettant en regard une œuvre de Dalí et une œuvre d’un artiste urbain. Cette intervention ajoute une dimension ludique et participative à la visite et permet de s’interroger sur les liens entre l’œuvre de Dalí et le street art. Malheureusement, je trouve qu’elle ajoute à l’aspect « fouillis » des lieux. En effet, l’Espace Dalí est assez réduit et pourtant il accueille près de 300 œuvres du maître auxquelles s’ajoute la vingtaine de productions contemporaines des artistes urbains.

     

    Dalí fait le mur

    Vue de la scénographie de l'exposition Dalí fait le mur

     

    Vous pourrez en juger vous-même sur les photographies ou en vous y rendant mais je trouve que les murs sombres mettent peu en valeur les créations de Dalí alors que les productions colorées des artistes urbains ressortent beaucoup mieux. Par ailleurs, les cartels de la muséographie permanente sont assez peu lisibles : courbés, assez hauts, écrits en petits caractères. Il est difficile de trouver le bon angle de lecture pour ne pas avoir de reflets. Les enfants, les personnes en fauteuil ou encore les malvoyants n’ont pas ou peu été pris en compte lors de l’élaboration de ces cartels et de l’installation de la collection en général. Par exemple, certaines œuvres ne peuvent pas être vues à la bonne distance car des sculptures se trouvent devant. Une impression d’amoncellement d’objets m’a suivie lors de ma visite. Une réorganisation des espaces et de l’accrochage serait donc bienvenue pour apporter un peu plus de sens et de confort au visiteur.

     

    Dalí fait le mur

    Salvador Dalí, Hommage à Terpsichore, bronze, 1977-1984

     

    Dalí fait le mur

    Valeria Attinelli, Galipette, lumino-cinétique, 2014

     

    Mes interrogations sur les expositions de street art

    Depuis les années 2000, l’art urbain est mis sur le devant de la scène artistique. Désormais, il est reconnu par le marché de l’art et il entre même dans les musées, comme en témoigne l’exposition Dalí fait le mur. Cet art censé être éphémère et gratuit entre en contradiction avec ses principes d’origine, notamment avec l’expression libre qui le caractérise puisque les œuvres exposées sont désormais des commandes. Le titre même de cette exposition pose une interrogation. Dalí fait le mur est le titre de l’œuvre d’Arnaud Rabier Nowart ; le street artiste a été invité à peindre sur une toile et non sur un mur alors que le portrait de Dalí se retrouve, lui, sur un mur. Ce changement de support permet aux artistes urbains d’explorer l’étendue de leur talent en produisant des œuvres plus travaillées mais les éloigne des codes fondamentaux de l’art urbain. Peut-on alors toujours parler de street art en désignant leurs œuvres dans les musées ?

     

    Dalí fait le mur

    Arnaud Rabier Nowart, Dalí fait le mur, technique mixte sur toile, 2014

     

    Malgré tout, je vous invite grandement à aller voir cette exposition, justement car elle soulève beaucoup de questions sur la muséification du street art et les difficultés rencontrées pour le faire dialoguer avec d’autres productions artistiques. Par ailleurs, l’Espace Dalí est également intéressant pour lui seul car, malgré quelques bémols muséographiques, il propose de faire découvrir une facette méconnue de la production du maître du surréalisme.

     

    Dalí fait le mur

    Dalí fait le mur

    Salvador Dalí, Mémoires du surréalisme, photolithographies, signature manuscrite, 1971

     

    Pour aller plus loin

    L’Espace Dalí est ouvert tous les jours de 10h à 18h au 11 rue Poulbot à Paris. L’exposition Dalí fait le mur y est visible jusqu’au 15 mars 2015. De nombreux évènements autour de cette exposition sont organisés, avec des invités prestigieux comme Basquiat, Banksy et Keith Haring, je vous invite donc à les découvrir sur le tout nouveau site de l’Espace Dalí.

    Les artistes street art présents dans cette exposition sont : Arnaud Rabier Nowart, Artiste Ouvrier, Akiza, Fred Calmets, Codex Urbanus, Hadrien Durand-Baïssas, Jadikan, Jérôme Mesnager, King’s Queer, Kool Koor, Kouka, Levalet, Mainardi, Manser Fluxser, Nikodem, Paella, Pioc PPC, Sack, Speedy Graphito, Valeria Attinelli, Zokatos.

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