• La place Royale

    Connue de tous les Nantais, la place Royale impressionne par la rigueur de son architecture et la monumentalité de sa fontaine. Pourtant, peu connaissent son histoire et son rôle dans l’urbanisation de la ville. Achevée en 1794 par l’architecte Mathurin Crucy, elle a porté plusieurs noms : place Saint-Nicolas, place Louis XVI, Champ de la Liberté, place de l’Égalité, ou encore place Impériale. Son nom actuel date de l’arrêté du 3 juillet 1852. Elle est la seule place Royale en France à n’avoir jamais abrité de statue de monarque.

     

    La place Royale

    La place Royale vue de la rue Crébillon

    L’urbanisation de Nantes au XVIIIe siècle

    Au XVIIe siècle, Nantes garde encore son organisation du Moyen Âge avec ses rues sinueuses et ses remparts mais des faubourgs encore mal délimités se créent autour de la ville et notamment sur les rives de la Loire.

    Le XVIIIe siècle est décisif pour Nantes en matière d’urbanisme. L’aménagement des voies fluviales et l’organisation rationnelle de la ville devient nécessaire pour faciliter la circulation. En effet, l’expansion du commerce extérieur et colonial a enrichi la cité et a amorcé sa métamorphose. De plus, l’ordonnance de 1753 interdit la construction d’édifices en bois. Un véritable plan d’urbanisation est alors engagé. Dès 1755, l’architecte Pierre Vigné de Vigny propose de démolir des murs d’enceinte, de créer des places et d’ouvrir des rues. Ce vaste projet sera réalisé en plusieurs étapes.

     

    La place Royale 

    Plan de la ville de Nantes au Moyen Âge. Remarquez en bas à gauche la porte Saint-Nicolas et son promontoire défensif à l'emplacement de la future place Royale. © Wikipédia

     

    Les premiers projets pour la place Royale

    Pierre Vigné de Vigny est le premier à proposer un projet d’aménagement d’une place à l’ancien emplacement des remparts médiévaux et plus exactement là où se trouvait un bélouart fortifié (un promontoire défensif entouré de fossés) défendant l’accès de la porte Saint-Nicolas. L’expansion de la ville vers l’ouest n’est alors pas aussi importante qu’au sud : l’idée n’est pas exécutée.

    Jean-Baptiste Ceineray, architecte-voyer de la ville propose un nouveau projet en 1761 : créer une vaste place rectangulaire devant la nouvelle église Saint-Nicolas. En 1778, il propose un nouveau plan, où la place est un carrefour, sans symétrie des bâtiments, avec au centre une statue de Louis XVI. Ces deux conceptions seront rejetées.

    À Jean-Baptiste Ceineray succède Mathurin Crucy au poste d’architecte-voyer de Nantes mais l’initiative de la grande opération d’urbanisme des terrains situés à l’ouest de la porte Saint-Nicolas revient à Jean-Jacques Graslin, receveur général des fermes de Nantes. La construction du nouveau quartier Graslin ranime l’idée d’aménager une grande place à la gloire de Louis XVI pour articuler l’espace entre les nouveaux et les anciens quartiers. La démolition de la porte Saint-Nicolas et des murailles attenantes ne s’achèvera qu’en 1790.

     

    La place Royale       La place Royale

    Vues satellitaires de la place Graslin et de la place Royale © Google 2014

     

    Le projet de Mathurin Crucy

    Le plan de Mathurin Crucy diffère des projets de Ceineray. L'aménagement du quartier Graslin conduit à reproduire la configuration adoptée pour sa place : une forme associant un rectangle et un demi-cercle dite « en miroir de toilette ». L’architecte respecte les principes de l'architecture classique : symétrie des façades, rigueur du plan et ouverture des perspectives. La place Royale est achevée en 1794.

    Un corps de garde circulaire devait initialement orner le centre de la place. La chute de la Monarchie annule ce projet ainsi que celui d’ériger une statue à la gloire de Louis XVI. Mathurin Crucy imagine alors une sculpture reprenant la forme de la place à la verticale mais l’idée n’est pas retenue. En revanche, d’autres réalisations de Mathurin Crucy sont toujours visibles aujourd’hui comme la place Graslin, le cours Cambronne et l’Ancien Hôtel de la Bourse situé place du Commerce.

     

    La place Royale 

    Projet de corps de garde de Mathurin Crucy © Archives municipales de la ville de Nantes

     

    La place Royale 

    Projet de statue de Mathurin Crucy © Archives municipales de la ville de Nantes

     

    Des façades austères pour des édifices fonctionnels

    De style néoclassique, les façades de la place Royale ont la particularité d’être très sobres. Les lignes sont épurées. Il n’y a pas d’éléments de décor superflus : seulement deux corniches saillantes à modillons et une partie basse en bossage viennent animer les façades et marquer l’horizontalité. Cette architecture dépouillée s’explique par l’usage locatif de ces immeubles de trois étages sur rez-de-chaussée et entresol. Les corniches à modillons séparent les niveaux dévolus à l’habitat de ceux destinés aux services : le rez-de-chaussée et l’entresol étaient destinés au commerce, les niveaux intermédiaires servaient à l’habitation des ménages aisés tandis que l’étage supérieur accueillait les « petites gens ».

     

    La place Royale 

    La Place Royale en 1904 © Archives municipales de la Ville de Nantes

     

    Très endommagée lors de la Seconde Guerre Mondiale par les bombardements alliés, la place Royale est reconstruite quasiment à l’identique entre 1945 et 1961 mais cette fois-ci en béton et non plus en pierre de taille. Les ouvertures du rez-de-chaussée et de l’entresol sont alors agrandies et se rejoignent désormais.

     

    La place Royale 

    En 1943, la place est détruite à 40% : la fontaine et quelques immeubles sont épargnés.

    © Georges Bourges, Ouest-Eclair, Rennes, 1943

     

    Une fontaine pour la place Royale

    La fontaine monumentale est plus tardive. Inaugurée en 1865, elle symbolise la ville de Nantes et elle est composée de trois bassins superposés en granit bleu de Rennes, ornés d’un ensemble de sculptures allégoriques en ronde-bosse.

     

    La place Royale

    La fontaine de la place Royale

     

    À son sommet, la sculpture en marbre blanc, sculptée par Daniel Ducommun du Locle, représente Nantes sous les traits d’Amphitrite, la déesse grecque de la mer. Comme presque toutes les personnifications de ville, elle porte une couronne de remparts. Son trident est absent : régulièrement volé, il n’est plus remplacé.

     

    La place Royale

    Allégorie de Nantes sous les traits d'Amphitrite

     

    La place Royale

    Allégorie de la Loire

     

    Au-dessous, au centre, la Loire, représentée sous la forme d’une femme assise, déverse de l’eau par deux amphores. Les quatre figures allongées qui l’entourent sont ses quatre affluents : l’Erdre, la Sèvre, le Loiret et le Cher. Ces statues de bronze sont également des créations de Daniel Ducommun du Locle. Cet artiste est également l’auteur de la Cléopâtre conservée au musée des Beaux-Arts de Nantes que vous avez pu voir l’été dernier à l’Atelier lors de l’exposition Sculptures. Ce sculpteur nantais a la particularité d’avoir mené une double carrière d’artiste et de receveur des impôts.

     

    La place Royale     La place Royale

    Allégories de l'Erdre et de la Sèvre

    La place Royale     La place Royale

    Allégories du Cher et du Loiret

     

    Les huit petits génies symbolisant le commerce et l’industrie nantaise sont du célèbre sculpteur nantais Guillaume Grootaërs. Les réalisations nantaises de cet artiste sont nombreuses, par exemple : des médaillons dans le passage Pommeraye et le Fronton du muséum d’Histoire naturelle Allégorie de la Science éclairant le monde entre le règne animal et le règne végétal.

     

    La place Royale     La place Royale

    Les génies de l'industrie et du commerce

     

    Toutes les sculptures en bronze sortent de l’atelier Voruz connu pour avoir réalisé l’escalier du passage Pommeraye.

     

    La place Royale

    Détail avec les signatures du fondeur et du sculpteur

     

    Étonnamment, cette fontaine n’a pas remporté un grand succès lors de sa réalisation. Le projet a plusieurs fois été modifié car la Loire était jugée trop dévêtue. Malgré plusieurs changements, le 16 mars 1865, lors de l’inauguration de la statue, l’abbé Fournier, curé de Saint-Nicolas, chargé de bénir les sculptures, prononce un discours dans lequel il exprime son point de vue avec humour : « l’Église a des prières pour bénir les statues des saints, point pour bénir les seins des statues ».

     

    La place Royale aujourd’hui

    Ce monument est devenu incontournable : à la fois point d’intérêt pour les touristes et lieu de vie et de passage pour les Nantais.

    En 1960, la place Royale est immortalisée par le réalisateur Jacques Demy dans son film Lola. En 2007, une première rénovation rend la place Royale semi-piétonne. Il faut savoir qu’auparavant, la fontaine monumentale a longtemps servi de rond-point. Cette même année, dans le cadre de la biennale d’art contemporain Estuaire 2007, une installation de Tatsu Nishi, Hôtel Nantes, a englobé la fontaine, le temps d’un été. Depuis 2011, la place est devenue entièrement piétonne. En 2012, une création du Voyage à Nantes a investi à nouveau le lieu.

     

    La place Royale

    Tatsu Nishi, Hôtel Nantes, 2007 © Estuaire 2007

     

    La place Royale     La place Royale

    Block architectes, Mont Royal(e), Voyage à Nantes 2012 © Le Blog de Viinz

     

    Aujourd’hui, la place Royale sert à de nombreuses manifestations et évènements. En ce moment, vous y trouverez le marché de Noël. Vous pouvez également jeter un œil à la verrière intérieure de la Société Générale de style art déco qui date de 1930 et fait partie des rares aménagements d’avant-guerre encore visibles.

     

    Pour continuer la visite, je vous invite à découvrir l’article sur la place Royale du blog illustré de la graphiste Marion Point.

    « Changement de look !Présenter l’irreprésentable au Hangar à bananes »

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  • Commentaires

    1
    olivier Twist
    Vendredi 25 Septembre 2015 à 15:59
    Amphitride la statue de la place royale a deux grands pères notables qui datent du paleolithique. Pontos dieu de la mer et Océan dieu de de l eau douce. Aussi elle représente les populations de pêcheurs du paléolithique qui vivent a l embouchure des fleuves. C'est un bon choix pour Nantes.
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