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L'exposition Fernand Léger

Les contrastes d'objets, au cœur des préoccupations plastiques

L’exposition débute par une œuvre cinématographique de Fernand Léger en collaboration avec Man Ray : le Ballet mécanique, réalisé par Dudley Murphy. Dès lors, des similitudes avec certaines préoccupations formelles des surréalistes sont mises en exergue. Ce film ne possède pas de scénario. L’objet en est le sujet majeur. Les séquences alternent répétitions et gros plans.

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Le Ballet mécanique, 1923-1924
Film cinématographique 35 mm noir et blanc, muet
Durée : 16'
Co-réalisation : Dudley Murphy
Photographies : Man Ray et Dudley Murphy
Musique : George Anthiel

 

La même année, en 1924, André Breton publie le Manifeste du surréalisme qui donne une définition à ce mouvement pictural : « automatisme pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre façon, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale ». Il faut noter que Fernand Léger n’a jamais adhéré à ce mouvement : pour lui, l’effet plastique est voulu et il est le fruit d’une recherche consciente. Son rapprochement avec les surréalistes reste donc purement formel. Comme eux, l’artiste utilise la figure du mannequin ainsi que des éléments mécaniques et il rapproche des objets disparates ou antinomiques.

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Nature morte au masque de plâtre, 1927
Huile sur toile, 89 x 130 cm
Riehen/Bâle, Fondation Beyeler, collection Beleyer

 

À cette période, l’objet est au cœur de son œuvre. Mais il est aussi au cœur de la vie moderne. Dans les vitrines, les objets sont mis en scène dans un objectif décoratif. Il n’est pas rare que des objets sans rapport apparent soient présentés ensemble dans les devantures des magasins. Ce sont ces contrastes d’objets que Fernand Léger reproduit dans ses toiles. Dans La Joconde aux clés, il réunit des clés, une reproduction de la célèbre Mona Lisa de Léonard de Vinci et une boîte de sardines. Cet assortiment aléatoire est proche du hasard objectif des surréalistes qui ont pour devise la célèbre phrase du comte de Lautréamont : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » (Les Chants de Maldoror, 1868).

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

La Joconde aux clés, 1930 

Huile sur toile, 91 x72 cm

Biot, Musée national Fernand Léger

 

Biomorphisme et objets décontextualisés

Plus surprenante a été pour moi la découverte des œuvres biomorphiques de Fernand Léger. Des artistes comme Arp, Miró, Tanguy ou Dalí sont plus connus pour avoir utilisé ce langage pictural. Entre 1929 et 1933, Léger, à son tour, utilise des formes organiques, souples et molles, qui semblent flotter sur un fond neutre. Un ouvrage astronomique aurait inspiré l’artiste. Ces formes ne sont donc pas véritablement abstraites : il s’agit de Queues de comètes. L’iconographie scientifique de la comète est pourtant bien différente des motifs élaborés par le peintre. En revanche, celle des nébuleuses permet des rapprochements concluants, d’autant plus que des ouvrages de vulgarisation sur ces objets astronomiques sont parus entre 1925 et 1930.

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Paravent, composition sur fond marron, 1930

Trois panneaux

Huile sur toile, 197,5 x 89,5 cm pour chaque panneau

Biot, Musée national Fernand Léger

 

Entre 1929 et 1934, Fernand Léger dote ses œuvres d’une aura mystérieuse. En jouant sur le changement d’échelle, la soustraction à leur univers habituel et la ressemblance, des objets du quotidien comme une veste ou des gants et des objets naturels comme une coque de noix ou un tronc d’arbre se transforment subitement, devenant quasi-méconnaissables. La série graphique constituée de dessins en noir et blanc, semblables à des gravures, illustre particulièrement bien cette recherche picturale qui est comparable en bien des points aux œuvres lyriques des surréalistes.

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Les Gants, vers 1930

Encre sur papier, 29 x 38 cm

Biot, Musée national Fernand Léger

 

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Étude de noix, 1931

Encre sur papier, 37 x 30 cm

Biot, Musée national Fernand Léger

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Quartier de mouton, 1933

Encre de Chine sur papier, 40 x 30,5 cm

Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI

 

Cette série de dessins démontre également que les objets choisis sont minutieusement étudiés au préalable et prennent la valeur de motifs, répétés de toile en toile. La feuille verte, réalisée en 1945 et achetée dès 1948 par la ville de Nantes, semble être la clé de voûte de cette exposition.  Toutes les recherches picturales de Fernand Léger semblent y converger. On y retrouve : l’association d’objets disparates (manteau, grillage, feuille, aile d’avion, structure architecturale, poteau indicateur), la décontextualisation, l’annulation de l’échelle et l’utilisation de formes biomorphiques.

 

La période américaine

Léger voyage à trois reprises aux États-Unis entre 1931 et 1939, notamment pour sa rétrospective au MoMA en 1935. Il s’y installe d’octobre 1940 à décembre 1945 où il y a rejoint d’autres artistes ayant fuit la guerre : André Breton, Marc Chagall, Marx Ernst, Yves Tanguy et d’autres encore. Son amitié avec le milieu surréaliste se traduit par une exposition commune « Artists in Exile » en 1942 à New York. La dissociation des couleurs et du dessin est la principale innovation dans sa peinture durant cette période.

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Adieu New York, 1946 

Huile sur toile, 130 x 162 cm

Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI 


Fernand Léger a commenté ainsi sa dernière œuvre réalisée aux États-Unis : « Ça c’est l’Amérique, ma dernière toile Adieu New York écrit sur la banderole. Vous savez les USA sont un pays où les décharges sont innombrables. On jette tout plutôt que de réparer. Alors, vous voyez ici, il y a des morceaux de ferraille, des bras de machine et même des cravates. Ce que j’aimais là-bas, c’était faire des toiles éclatantes avec tout cela. »

L’exposition se conclut par une autre œuvre cinématographique : Dreams that money can buy (Rêves à vendre). Réalisé par Hans Richter en 1944, ce film regroupe sept séquences écrites par Fernand Léger, Max Ernst, Marcel Duchamp, Man Ray, Alexander Calder et Hans Richter lui-même. Celle de Fernand Léger raconte une histoire d’amour entre des mannequins, symboles surréalistes par excellence, sous le titre The Girl with a prefabricated heart (La fille au cœur préfabriqué).

 

L’exposition Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946

Extrait de la séquence de Fernand Léger ici.

The Girl with a prefabricated heart, 1944-1945

Séquence du film de Hans Richter Dreams that money can buy, 85 mm, couleur, sonore

Durée : 16’

 

Bilan de cette exposition

Cette exposition, réalisée par la Réunion des musées nationaux, le Musée des Beaux-Arts de Nantes et le Musée national Fernand Léger de Biot a été reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication. Elle bénéficie donc d’une subvention de l’État. Je vous propose mon point de vue concernant la muséographie et le choix des œuvres. Bien sûr, ce n’est que mon avis, à vous de faire le vôtre !

Je commence par les points très positifs : grâce à un séquençage clair, cette exposition apporte un éclairage sur une période ignorée de l’œuvre de Fernand Léger par la présentation d’œuvres majeures méconnues, notamment la série de dessins, les œuvres biomorphiques et les productions cinématographiques. En revanche, je trouve que la muséographie est un peu austère avec un papier peint gris foncé standardisé et des cartels transparents peu lisibles. Dommage car les cartels explicatifs des œuvres sont très intéressants mais la difficulté de lecture m’a poussé à en ignorer quelques-uns.

Par ailleurs, j’ai trouvé que cette exposition manquait de remise en contexte. Je m’explique : pour un néophyte, parler des liens de l’œuvre de Fernand Léger avec le surréalisme sans jamais montrer une seule œuvre surréaliste, même en reproduction, cela peut être assez frustrant puisque tout repose sur cette clé de lecture. Par contre, j’apprécie l’effort du musée d’accompagner le visiteur grâce à la présence d’une médiatrice qui nous accueille dans la première salle et que nous pouvons ensuite interroger à tout moment. Pour finir, j’ai tellement aimé le choix des œuvres exposées que j’ai regretté qu’il n’y en ait pas davantage…

 

Pour aller plus loin

Pour commencer, rendez-vous à la Chapelle de l’Oratoire avant le 22 septembre, Place de l’Oratoire, 44 000 Nantes, ouverte tous les jours de 10h à 19h jusqu’au 1er septembre, puis de 10h à 18h sauf le mardi. Si vous désirez être accompagné, des visites-conférences ont lieu tous les jeudis de 18h à 19h jusqu’au 31 août.

Vous pouvez vous procurer le catalogue de l’exposition pour la non modique somme de 35 euros. Celui-ci regroupe toutes les œuvres présentées ainsi que d’autres œuvres pertinentes et surtout il recontextualise les productions de Fernand Léger à la lumière des œuvres de ses contemporains.

Enfin, je vous conseille de vous rendre sur le site du Centre Pompidou qui regorge d’informations pour certaines œuvres et qui vous présentera les autres facettes de la production de l’artiste.

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