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Suite de triangles, Felice Varini à Saint-Nazaire
Une anamorphose géante est à découvrir dans le port de Saint-Nazaire. L’œuvre, dressée sur 2 km, était la plus grande réalisée par l’artiste Felice Varini en 2007. Elle apparaît d’abord sous la forme d’aplats rouges déconstruits sur les bâtiments. Un unique point de vue situé sur l’écluse fortifiée permet d’assembler ces formes pour voir apparaître la Suite de triangles. À vous de vous y rendre pour le trouver !
Suite de triangles, une œuvre conçue pour Estuaire 2007
Cette œuvre a été créée pour la première édition de la manifestation Estuaire en 2007. Conçue à l’origine comme une biennale d’art contemporain, l’aventure Estuaire s’est déroulée en trois épisodes en 2007, 2009 et 2012. Aujourd’hui, 29 œuvres ont été pérennisées sur les 60 km qui relient Nantes à Saint-Nazaire, créant ainsi un parcours à ciel ouvert visitable toute l’année. Estuaire accompagne un projet politique de développement du territoire : la construction de la métropole Nantes Saint-Nazaire. Je vous invite à découvrir ou redécouvrir les œuvres que j’ai sélectionnées lors de la croisière Estuaire. Suite de triangles n’est pas la seule installation d’Estuaire à Saint-Nazaire : le Jardin du Tiers Paysage de Gilles Clément est également à visiter sur le toit de la base sous-marine.
Gilles Clément, Jardin du Tiers Paysage, 2009
Œuvre picturale ou œuvre sculpturale ?
Suite de triangles présente un paradoxe : alors que cette œuvre est composée de fragments tridimensionnels de peinture, elle révèle une planéité semblable à celle d’un tableau lorsqu’on se trouve sur le point focal. Depuis les années 1970, qu’il s’agisse d’espaces fermés ou de paysages urbains, Felice Varini déploie sa peinture hors du cadre sur les éléments architecturaux en présence. Son travail sur le point de vue s’inspire des jeux de la Renaissance sur l’illusion d’optique et des recherches des peintres sur la perspective et ses aberrations. Felice Varini s’inscrit donc dans le champ de la peinture et se présente d’ailleurs comme artiste peintre. Ici, l’artiste franco-suisse mène une réflexion à la fois parallèle et inverse aux peintres de la Renaissance : à partir d’un espace à trois dimensions, il recrée un plan unique qui donne une cohésion à l’espace du port. Cette « ligne d’horizon » qui parcourt le paysage attire l’attention sur l’architecture industrielle qui était peu mise en valeur auparavant. Felice Varini a réussi à révéler la beauté du lieu et à apporter un autre regard sur la zone portuaire.
Comment Felice Varini procède-t-il ?
Pour tracer ses formes dans l’espace architectural, Felice Varini relève d’abord les particularités spatiales. Il crée ensuite un dessin composé de formes géométriques simples, le plus souvent des lignes, des cercles, des ellipses, des carrés, des rectangles ou des triangles. Il imprime ensuite son dessin sur un papier transparent. Puis, il utilise un appareil de projection pour tracer les contours avec du ruban adhésif. L’appareil de projection est placé à hauteur des yeux et détermine le point de vue unique permettant de voir la composition construite. Enfin, les formes sont remplies de papiers sérigraphiques collés ou de peinture acrylique. Suite de triangles n’a pas échappé à cette façon de procéder. L’œuvre était d’abord éphémère, constituées de papiers collés. À l'issue de l'édition Estuaire 2007, le Centre de Recherche et de Développement Culturel de Nantes (CRDC), à l'origine de cet évènement, a décidé de pérenniser cette installation en remplaçant le papier collé par de la peinture. Grâce à l’autorisation des entreprises concernées : les CCI Nantes Saint-Nazaire, l'Association Port Industrie, Cargill France, Groupe MTTM et STX Europe, les travaux ont pu s’achever en mai 2008. Depuis, l’œuvre est régulièrement repeinte afin de conserver la couleur rouge vif qu’on lui connaît, notamment après les travaux de réfection du toit de l’entreprise Eiffel industrie marine en 2011, bâtiment situé au pied de l’écluse fortifiée. Cette peinture spécifique a été créée spécialement par l’entreprise nazairienne Pesymo qui l’a nommée « rouge Varini ». L’artiste l’utilise aujourd’hui pour d’autres projets.
Un aperçu d’autres œuvres de Felice Varini
Afin de mieux percevoir cet artiste, je vous propose de découvrir d’autres œuvres que j’ai pu rencontrer au cours de mes excursions culturelles.
Pour le Voyage à Nantes 2013, l’exposition Suite d’éclats présentait de nombreuses œuvres de Felice Varini à la HAB Galerie. Elle permettait de se familiariser avec les différentes formes employées par l’artiste. Nous pouvons dire que les œuvres du peintre sont participatives dans la mesure où le spectateur doit s’impliquer physiquement pour trouver le point de vue unique de chaque composition.
Exposition Suite d’éclats, 2013, HAB Galerie
Dans de cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la Culture, Felice Varini a réalisé une œuvre monumentale à Salon-de-Provence selon le même procédé qu’à Saint-Nazaire, avec des papiers collés. Le point de vue de l’œuvre intitulée Double disque évidé par les toits se trouvait sur la terrasse de la cour nord du château de l'Emperi, offrant un regard nouveau sur les toits et les façades de la ville.
Double disque évidé par les toits, 2013, château de l’Emperi, Salon-de-Provence
Je vous conseille de vous rendre dans les Deux-Sèvres, au château d’Oiron, qui a pour originalité de conjuguer patrimoine et art contemporain en offrant un écrin architectural unique à des artistes très célèbres comme Christian Boltanski, Sol Lewitt, On Kawara ou encore Anne et Patrick Poirier. Une œuvre de Felice Varini y est installée. Sa particularité est qu’elle est composée d’un miroir qui permet de reconstituer la forme.
Carré au sol aux quatre ellipses, 1993, château d’Oiron
À l’occasion de l’inauguration du musée d’art contemporain du Val de Marne (MAC/VAL) en 2005, Felice Varini a marqué le vestibule du musée d’une installation peinte directement sur les murs, les vitres et le plafond du bâtiment. En 2010, l’œuvre est réinstallée, jouant ainsi avec la mémoire récente de l’institution et de son public. Si vous habitez en région parisienne ou que vous y séjournez, pensez à vous rendre au MAC/VAL ; les collections y sont particulièrement bien exposées et expliquées.
Felice Varini réalise également des sculptures en anamorphose comme celle exposée au château d’Avignon pour l’exposition « Égarements », réalisée par le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2013.
Sans titre, 1980/2005, Aluminium et vernis rouge, Centre national des arts plastiques, Dépôt à l’OCDE, Paris
Pour aller plus loin
Rien de tel que de voir Suite de triangles en vrai ! La terrasse panoramique de l’écluse fortifiée est accessible tous les jours de 10h à 17h45 toute l’année et de 10h à 19h du 28 juin au 1er septembre.
Si vous souhaitez en savoir plus, consultez le dossier de l’œuvre aux Archives municipales - Ressources documentaires de la Ville de Saint-Nazaire.
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